Zârmalouloux Blog

2 sept. 2010

Bolivia, ou les impressions personnelles d un pays atypique

Bolivia,
tu m as choquée, émerveillée, surprise, attendrie, énervée, carressée dans un sens et l autre du poil.

Bolivia,
terre aux couleurs vives et percutantes que nous retrouvons sur les hawayos ( tissus faisant office de sac à dos national), portant charges démesurées et bébés, sur les jupes multicolores des cholitas ( femmes habillées en habits "traditionnels"), sur les dents des gens, arborant montures, étoiles et coeurs dorés, sur les ponchos et chullitos (bonnets mondialement connus) des hommes, sur les pompons qui marquent l appartenance des lamas et brebis, sur tes montagnes, canyons, jungles, plaines et vallées...

Bolivia,
tu exibes des pratiques religieuses hétéroclites, où le catholique, l évangéliste et le "payen" se tiennent par la main. On te trouve aussi bien devant l autel de Dieu, à célébrer son mon et celui de son fils, qu à genoux dans les champs, avant le labeur, psalmodiant en déposant délicatement quelques feuilles sacrées de coca, laissées en offrande à ta Terre Mère (Pachamama).
Tu pries autant le Yatiri ("chamane" de là bas), la Pachamama que le Seigneur, pour te garder du mal et craindre de la même manière leurs courroux.Tu peux allumer un cierge ou un feu rituel pour challar (bénir) et préserver tes biens , ta famille, tes récoltes ou encore ta santé.

Bolivia,
tu es pleine de mystères de facettes et de caractère. Il m est difficile de te percer à jour tant tu te résistes à t ouvrir. Tu ne te découvres que jusqu aux commissures des lèvres, où tu laisses entrevoir un large sourire malicieux, parfois édenté, éclats de vie, de rire sincère.
Dans un premier temps, tu refuses souvent l échange, tournant la tête et agitant négativement la main. Puis, en te travaillant un peu au corps, en insistant, en réagissant de manière inattendue peut être, tu acceptes le contact et les barrières semblent s écrouler en partie.
Tu caches souvent ton humour et ta richesse derrière une apparente et infranchissable timidité. Regard fuyant, gloussements sourds habillent celle ci. Peu tactile, tu te raidies quand je tente de te toucher.

Bolivia,
tu parais peu chaleureuse aux premiers abords et on imagine difficilement toutes les règles muettes qui te régissent et qu il nous faudrait intégrer pour espérer faire parite de ta communauté. Ceci est bien sûr sans compter sur les 36 ethnies qui te composent, leurs réalités, leurs coutumes, leurs différences, ainsi que le tout à chacun.
Tu me surprends sans arrêt avec tes retournements de situations, tes états d âmes et envies vacilants. Un jour tu m accueilles comme un des tiens, partageant ce que tu possèdes, une soupe, une bière ou juste un moment privilégié. Puis au jour suivant, tu me rappelles à l ordre, me traites comme l étrangère que je suis.

Inssaisissable Bolivia,
avec tes langues autochtones, ton langage des signes et du corps, ton castellano (espagnol)importé, imposé, que tu refuses à des moments de parler, et dont tu ignores aussi parfois l existence dans ta vie de tous les jours.
Cultures et folklores préservés, remaniés, escamotés, synchrétisés, reniés car discriminés, ou encore portés en étendard ; tu offres bien des visages aux touristes qui arpentent tes sillons, avides de tes traditions et secrets bien gardés.

Bolivia,
toi et tes fêtes tonitruantes, la folie qui s emparent des tiens, au moment de célébrer indistinctement tes vierges, les esprits de la nature, Jésus, les êtres malicieux et maléfiques, tes saints patrons et les batailles sanglantes qui t ont vu naître. A cet instant où la retenue se déride, les masques tombent sous les déguisements et dans une explosion bruyante, un élan incommensurable de fraternité et de partage anime tes danses, chants et cérémonies rituelles.

Bolivia,
où tout a un prix, en service ou en espèce, tu réclames ton dû à ton prochain comme à l étranger.
Ici ( comme dans trop d endroits), l argent est rêve, monnaie d échange, centre de préoccupation, d intérêt et de curiosité. Qu à cela ne tienne, la générosité ne t est pas étrangère, cependant le service mérite et attend toujours de quelques manières que ce soit, rétribution spontanée. Cette loi immuable, en filigrane régie aussi les relations entre les tiens, elle exclue ainsi le profiteur et l accapareur dans tes communautés.

Bolivia,
et tes non dits sous jacents qui blessent ta bouche, restent coincés à la porte de tes lèvres et tant pis pour ceux qui ne lisent pas entre tes lignes.

Bolivia,
où la relation homme/femme surprend parfois. Ils travaillent tous deux main dans la main comme on me l a souvent répété. Mais qui tient les cordons de la bourse ?On dit ici que la femme est dure en affaire comme au foyer, intransigeante?
Pourtant les chansons romantiques, d amour et de désamour éperdus, résonnent dans toutes les maisons et les rues pour adoucir les murs.

Bolivia,
et tes enfants curieux, timides et espiègles, courant ça et là, à la recherche d un arbuste où mettre le feu (coutume nationale), d un jeu ou d une brebis qui se serait égarée.

Bolivia,
tes salamaleks et marques de politesse, exagérés chez nous et peu présentes chez toi.Tu mets les pieds dans le plat, ne t encombres pas de fanfreluches lorsque tu réclames quelque chose.

Bolivia,
et tes habitants si différents qui se côtoient. On passe de la Mamita Quechua, vendant tranquilement son chuño au marché, à l homme d affaire, la cravate trop serrée, traversant la rue d un pas préssé, en passant par la jeunesse fashion en fleur, qui regarde des télénovelas où des gringos ( des Etats Unis ou plus largement l étranger) se déchirent le coeur.

Bolivia,
et tes marchés bruyants, où les odeurs de viande et d api (boisson chaude à base de maïs violet, cannelle et clou de giroffle) se mêlent à celui des fleurs, où les cris des alpagueurs de passagers pour les bus, fait place au silence de tes communautés agraires, juchées en haut des montagnes célestes, plongées dans des plaines arides ou encore perdues dans une jungle luxuriante.

Bolivia,
et tes instants fugaces surréalistes, tes tranches de vie et scènes improbables qui se déroulent sous mes yeux. Cela va de tes militaires en culottes courtes, en plein exercice dans les rues piétonnes, la mitraillette au poing ; aux hommes et femmes d un âge incalculable, portant sur les dos des charges incroyables et courant en masse à la terminal de bus ; à des familles entières (ça fait en général un sacré paquet de personnes) lavant le linge du défunt au bord de la rivière, un verre de chicha ( maïs fermenté) à la main ; en passant par des microbus bondés, transportant une montagne d équipage chaotique et des bergères perdues aux confins de la puna (végétation aride de l altiplano), descendant en trottinant, tresses au vent et la fronde à la main, prononçant d étranges sons, à la poursuite de son troupeau...

Si dans ces impressions jetées pêle mêle, le lecteur relève de nombreuses contradictions, qu il ne sait plus très bien que penser de cette terre, c est qu il a compris le ressenti tumultueux qui m habite lorsque je tente de mettre au clair mes idées digérées et l émotion trouble du voyageur qui s aventure dans cette contrée.

Bolivia,
tu restes encore et toujours un mystère...

Bon vent et bon baiser tendre

Fourmie

5 commentaires:

Anonymous Anonyme a dit...

Fourmie

merci de nous livrer tes ressentis, impressions.. tous ces mots qui nous permettent aussi de découvrir un autre aspect de vos découvertes
bon vent à toi et à tous les zarmas pour cette poursuite de votre aventure dans ce nouveau pays qu'est le Perou
besos a todos
vero R

3 septembre 2010 à 14:20  
Anonymous Anonyme a dit...

que lindo ma fourmiguita!!!! j aime beaucoup ton ecriture!! continues a nous transmettre ta poesie!!
je te fais pleins de bibi, de besos et un grande abrazo!!!

3 septembre 2010 à 16:59  
Anonymous Bigoodi a dit...

Superbe! Merci Fourmi!
Gros gros bisous à tous!!!

4 septembre 2010 à 03:57  
Anonymous tonio vicquery a dit...

Un sentiment partagé au cours du mois passé la bas.. La contradiction résume très bien un pays aux inégalités oligarchiques et politiques très marquées, et où en changeant de ville on change parfois de continent..

Un étrange goût d'inachevé restera..!

6 septembre 2010 à 13:01  
Anonymous Marie-Jeanne et Thierry a dit...

Merci Fourmi pour tes impressions qui retracent bien le sentiment que l'on a eu, même si nous ne sommes restés que 15 jours en Bolivie.

Bonne continuation à tous.

7 septembre 2010 à 00:48  

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