Zârmalouloux Blog

3 mars 2010

Réminiscences d'une journée en Gambie

Revenons sur notre escale la plus marquante en Afrique...

Dimanche 7 février 2010
Banjul, Gambie

Chaleur écrasante !
Du haut du bateau, la capitale parait minuscule, tout comme le port, on y voit la forêt tout autour. .. Il faut dire que la Gambie est un petit pays, environ un million de personne. Cela contraste beaucoup avec le port de Dakar et sa jungle urbaine, où nous n'avons pu nous balader que deux heures.

Je crois que je ne m'étais pas vraiment préparée à ce que pouvait être l'Afrique.
Je pense que j'appréhendais surtout le regard des gens. La marque de la différence, qui entraîne l'impossibilité de l'indifférence. C'est pourtant ce à quoi j'aspire au moment de la découverte. Je voudrais pouvoir me fondre dans la masse, incognito, tel un fantôme ayant la chance d'assister à des moments privilégiés du quotidien. Le statut de touriste, marqué par la couleur de ma peau, me l'empêche de prime abord.

Dès que nous avons mis les pieds sur la terre ferme, trois hommes sont venus à notre rencontre... "Hello my friend!" Ils étaient très aimables, exagérement aimables. Willy, Muhammed et Eli voulaient nous servir de guide. Nous avons tenté de leur expliquer que nous n'avions pas d'argent, que nous désirions juste être tranquiles. C'est difficile d'appréhender sereinement un premier contact qui s'établit de manière interressé, basé sur l'argent. J'ai un peu changé d'avis par la suite. Nous avions envie d'autre chose. Ils nous ont fait comprendre que nous ne pouvions pas nous ballader seuls (car ça n allait pas dans leur sens), que selon eux c'était trop dangereux.
Nous nous sommes jettés quelques regards de déception, nous avions du mal à être avenants, naturels, nous n'étions pas rassurés.
Comment pouvait-on faire confiance à ces gens plus qu'à d'autres? Comment être sûrs que les règles présentées comme étant celles de leurs pays étaient bien réelles?
Nous les avons finalement suivi. Au fur et à mesure de la ballade, nous nous sommes pris au jeux, portés par des conversations interessantes. Nos guides sont passés de la position de possible menace, à gardes du corps, compagnons de chemin. Cette transformation fut ténue et évolutive.
Passant par des endroits où, ne connaissant pas, nous ne serions peut être pas allés seuls,
nous avons vu des femmes assises ou étendues sur les trottoirs en terre battue, au milieu des petits poulets gambadant, des chèvres blanches et errantes, devant des étalages de plantes séchées en rameau, de graines dans des sachets en plastique transparent et autres fruits et légumes du coin (bananes, oranges vertes, noix, haricots...). Des enfants faisaient leur toilette dans des bassines, des personnes accroupies en cercle, mangeaient avec les mains dans un grand plat commun. Des odeurs de musc, d'agrumes, de terre brûlée par le soleil, mélangées à celles de nourriture et de restes laissés à l abandon, accompagnaient ces images.
Sur la plage des pêcheurs, séchaient des demi poissons évidés sur des filets au soleil, dégageant une forte odeur de chair salée.
Dans un autre registre, j'ai été choquée par la terrasse d'un hôtel où s'entassaient des touristes blancs-écrevisses, allongés sur des transats, le corps huileux, un cocktail à la main.Ils étaient servis par un gambien en costard. C´était vraiment un spectacle étrange , irréel, presque grotesque. Ce sont en effet les seuls blancs que nous ayons croisés. Le contraste était frappant, mais n'est finalement pas si éloigné de ce que l'on peut voir sur d'autres plages du monde.
Trois enfants sont restés près de nous alors que nous discutions sur la plage. Nous avons communiqué par des mimiques, des regards et des jeux de miroirs qui les ont fait rire. C'est toujours plus facile avec les enfants: passé l'effet de surprise, ils oublient la différence, ils ne semblent plus la voir, comme si elle ne les importait pas.
Nous avons eu une discussion très interressante avec Muhammed, à propos des marabouts, de leurs statuts dans la société africaine, comment ils peuvent intervenir à la demande en tant que facteur chance ou malchance. Les gens ont régulièrement recours à leurs services.

A notre retour pour le repas du soir, Muhammed et Willy ont glissé à Arthur que ça les aiderait si nous leurs donnions un peu d'argent pour qu'ils se nourrissent et nourrissent leurs familles. Ils lui ont précisé que ça ne les enchantait pas " d´attendre le blanc", de mettre en place ce type de relation, mais que parfois, ils faisaient de belles rencontres... Au début, j'étais un peu abasourdie (c'était naïf de ma part), je me sentais comme tous les autres touristes blancs. Ça me gênait parce qu'en vérité, j'avais passé un bon moment et oublié pendant un instant nos conditions respectives, les jeux de pouvoir, l'ordre établi.

Nous les avons retrouvé à 19h30, après un copieux repas dans notre bulle cosie, échouée dans cette capitale africaine. Le contraste était fou et presque indécent. La soirée s´est déroulée au rythme des échanges linguistiques (découverte du wolof, la langue d ici), musicaux, des arrivées des uns, des départs des autres, de verres de thé, d´un repas partagé. Connection avec l Afrique! Sousouf, le sable, la terre en wolof! Nous aprenons des mots et expressions de base que nous illustrons avec leur aide sur un carnet.

"Le tourisme est il une nouvelle forme d esclavage?, fut la question qu Arthur apporta à notre retour, dans le sas de digestion de la salle à manger. "Your happiness is my happiness!", cette phrase résonnait encore dans ma tête créant une sensation de forte gêne. Je me demandais si une part de sincérité pouvait exister dans un rapport basé sur la nécessité d´argent. Je pense tout de même que les deux parties ont tiré de cette expérience quelque chose de satisfaisant, d'enrichissant (au sens propre et au sens figuré). J'ai envie de croire qu'à un moment ils ont pu oublier leurs rôles, le nôtre, nos carcans respectifs.

L'Afrique, si je peux l'appeler ainsi, vu le peu que j'en ai vu, reste un vrai mystère pour moi.
Elle m'a fasciné, choqué, et donné envie de m'y refrotter.
J'espère que nous y repasserons pendant le voyage... Inch'Allah!

Fourmie et Siboulette

9 commentaires:

Anonymous Bigoodi a dit...

Un très beau texte et une très belle réflexion! Merci de nous avoir fait partagé ça les louloutes! Je vous fait des gros bisous mes bigoudis, prenez soin de vous! Il reste encore plein de belles rencontres et de découvertes le long du chemin et c'est avec de bonnes réflexions comme celles-ci que l'on avance. ;)

3 mars 2010 à 13:01  
Anonymous Anonyme a dit...

merci à vous de nous faire partager vos rencontres... et vos pensées... vous êtes dans un état d'esprit d'ouverture que les autres ne peuvent soupçonner car en tant qu'étranger nous trainons l'image du "touriste consommateur" par excellence...et l'image de l'humain à la découverte d'un autre humain sans à priori, juste pour la rencontre, l'échange, la connaissance de l'autre n'est pas habituelle et il est certainement difficile d'expliquer en peu de temps et peut être avec la barrière de la langue vos objectifs et vos préoccupations
mais oui toutes ces rencontres et découvertes sont enrichissantes humainement
poursuivez bien votre route
prenez soin de vous
mille pensées
vero

3 mars 2010 à 13:45  
Anonymous Anonyme a dit...

Salut les zarmas!

Je suis moi aussi très contente de vous relire, on ne se rend pas compte dans nos petites vies routinière que pour vous êtes déjà de l'autre côté de l'atlantique et que le voyage commence à devenir vraiment intéressant.

Merci de nous faire partager tous ça, en particulier vos réflexions sur ces rencontres où l'on ne sait plus quelle part à l'argent dans les échange avec la population... Le monde est comme ça!

J'ai entendu dire que vous aviez vu des oiseaux que vous n'aviez pas pu identifier et que vous comptiez sur les ornithos français pour vous éclairer... Malheureusement les oiseaux américains sont différents des européens, nous ne les connaissons pratiquement pas, mais vous trouverez votre bonheur sur le site suivant: http://www.oiseaux.net/oiseaux/amerique.du.sud.html (toute les fiches espèces des oiseaux d'Amérique du sud avec les chants, les cris, les photos et tout et tout!)
Des Zénormes ZarmabiZoux à tous, bonne continuation, et on attend les photos avec impatience.

Sandrine la Zine'cou

4 mars 2010 à 05:35  
Anonymous Anonyme a dit...

bouh! j'ai fait plein de fautes d'orthographe, désolée... de toute façon à votre retour, vous ne saurez plus écrire français!!
bisous

sandrine

4 mars 2010 à 05:37  
Anonymous tonio vicquery a dit...

C'est un ressenti que l'on a (ou en tout cas auquel je fais face) dans la plupart des pays pauvres.

Au pérou et en bolivie vous serez aussi amenés à rencontrer des gens adorables mais la question de la franchise et de la "transparence, réalité" de cette relation se pose lorsque l'on nous demande l'argent.

Pour avoir discuté (même si parfois c'est difficile) avec certains de ces gens là, je me suis rendu compte qu'il y avait dans les lieux touristiques ceux qui en vivent (ou essayent) et ceux qui ne se doutent pas de nos situations dans nos pays respectifs (l'accès à l'information n'est pas partout le même).

Je me souviens d'un paysan bolivien avec qui j'avais discuté dans à Cuzco au pérou qui m'avait demandé de l'argent alors que je lisais sur la plaza.
Nous avions discuté et il ne se doutait pas des différences de valeurs monétaires et de coût de la vie en France. A la fin, il me dit "mais c'est toi le pauvre alors!" en rigolant.. Ce qui n'est absolument pas vrai, je lui ai dis, mais il y a un fossé entre l'idée qu'ils se font de nous et notre situation. (A l'image de la différence de notre pouvoir d'achat en france et en bolivie d'ailleurs..)
Pour lui, nous sommes habillés proprement, blancs et nous avons beaucoup d'argent..

Le problème, comme l'ont soulignées fourmi et ciboulette, est à mon sens ce tourisme "farniente" ou à l'image des ghettos français (mais c'est un autre débat..) il y a tout pour ne pas nous inviter à sortir de clubs et palaces luxuriants ou tout est free..

Il se créé des stations balnéaires partout au milieu de la misère et de temps en temps les touristes roses sortent assouvir leur besoin d'exotisme en allant acheter à des prix débiles des objets caricaturaux (qui là non plus ne sont pas, pour la plupart, produits ici) et distribuer de l'argent à des enfants pour se donner bonne conscience (je caricature à peine..).

Aucun argent (ou presque) de ces "voyages" n'est réinjecté dans l'économie du pays..hormis les salaires versés aux employés par les FRAM et autres(qui ne sont pas tous locaux d'ailleurs), et l'achat de nourriture(mais là aussi tout ne viens pas du producteur local)..

Enfin, on pourrait en discuter des heures..! Vivement votre retour..

Je précise bien sur (ma maman me taperait sur les doigts) que tout le monde n'est pas dans l'excès, et que certaines personnes ne peuvent pas voyager autrement (âge, santé) mais qu'à mon sens ce tourisme est une nuisance et qu'il ne fait qu'accroître les clivages et éloigner les peuples (non pas physiquement, mais socialement)..

Je finis avec des paroles de Casey une rappeuse française martiniquaise qui dit : "Sais tu que mes cousins se foutent des bains de mer, et que les cocotiers ne cachent rien d'la misère!" ou encore "on vient servir les touristes aux seins nus à la plage des salines, pendant que la crise de la banane s'enracine!".

Bisous à tous.. !!!

7 mars 2010 à 01:38  
Anonymous Anonyme a dit...

C'est vrai que quelque soient nos idéologies, nous courons le risque d'être perçus de la même façon que les autres touristes ( ceux-là même qui sont affalés sur les transats des hôtels palaces à côté des plages de rêve). Pour les autochtones, ceux qui souffrent de la précarité voire de la faim, l'environnement est si difficile au quotidien que cela crée des relations interindividuelles où la confiance et la transparence n'ont pas de sens. On peut le regretter. Mais qui est fautif de ce système? Que ces quelques aphorismes sur le voyage ne vous attristent pas, gardez votre joie de vivre, votre envie d'observer, de témoigner pour nous faire partager un peu de vos découvertes. Gros bisous aux louloux. CATHERINE

7 mars 2010 à 06:36  
Anonymous Anonyme a dit...

Bonne reflexion sibylle,
Mais je croix que la reflexion doit se faire a l'enverse, car c'est nous qu'on a etablie les regles du jeu et pas les pouvres africains. Allors que pour cela ils te disse, meme s'il te gene et tu ne te sent pas coupables, que sa felicité depend de la tienne. Son repas de chaque jour depend de c'est qui font les pays riches, c'est a dire, les blanches.
Bs. Tarek

11 mars 2010 à 08:44  
Anonymous Sébastien a dit...

Bonjour à tous !

je ne voulais pas trop vous embêter avec des commentaires à lire car il me semble que vous avez des choses bien plus intéressantes et enrichissantes à faire... mais cet article si bien réfléchi et construit me permet de faire une belle transition vers la Mauritanie et lekki hindee. Votre témoignage me touche particulièrement car c'est la première fois que je vais allé en Afrique (cet été à Bababé avec Stéphane et Maxime) et je m'imaginais des relations et situations similaires... J'attends beaucoup de se voyage, j'espère qu'il va me permettre de prendre conscience de ce que vous avez vécu car entre lire votre témoignage et le vivre il y a, je pense, une différence immense. Mais les relations sont certainement différentes en Mauritanie à cause du jumelage et du passé du pays... Nous y allons pour faire un nouveau projet car le terrain de basket est devenu impraticable et mort... c'est dommage... Ce week end nous allons voir Lee Scratch Perry et Max Romeo avec Oumar Bal. Il est en résidence en France pour quelques mois et c'est le premier Mauritanien qu'on rencontre !

Sinon quelques petites nouvelles personnel : avec max on est en train de finir notre BAFA. je passe mon bnssa dans deux semaines et je suis en se moment à fond dans la jongle et l'art du cirque.

Je vais pas vous embêter plus longtemps, je vous fait un énorme bisous à tous après vous avoir ramené la conscience deux petites minutes à cesson... et merci pour tous vos témoignages enrichissants. J'attends avec impatience votre retour pour que vous puissiez nous raconter tous ça avec émotion ! Je ne peut pas vous dire à bientôt mais pense fort à vous.

Bonne continuation, la grande aventure commence, croquez la goulument...

Sébastien de lekki hindee.

15 mars 2010 à 13:15  
Anonymous Anonyme a dit...

Ola,

Merci pour vos réactions, vos ressentis, votre participation et pour vos nouvelles qui ne nous ennuient point.
Au contraire, c'est même un réel plaisir de lire vos commentaires. Chaque fois, c'est avec délectation que je m'empresse de découvrir les nouveaux messages qui sont apparrus sur le blog pendant que nous pédalions sur les routes des jours durant...
Muchissimas gracias

Jan ewt les Zarma

22 mars 2010 à 08:52  

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